L’équipe musique de la médiathèque Françoise Sagan écoute chaque année des milliers de disques pour faire une sélection qui arrive finalement dans ses rayons. Nous vous proposons un condensé de ce que nous avons préféré en 2022 si, par malheur, vous n’aviez pas eu le temps d’emprunter toutes les nouveautés.
La playlist est disponible sur Youtube, Spotify et Deezer.
























Jazz – Soul – Funk – Rap
Jamire WILLIAMS, But Only After You Have Suffered (International Anthemn) – 1.3 WIL
Le jazz doit beaucoup aux fondateurs d’International Anthemn, label basé à Chicago, qui sans complexe produisent d’étonnants albums où le spiritual jazz se frotte à la soul et au hip hop. Jamire Williams ne déroge pas à la règle dans son très réussi deuxième album pour cette maison déjà mythique. Et quel festival ! Cet album aux multiples collaborations (plus d’une vingtaine, de Carlos Nino à Chassol en passant par Lisa E. Harris) nous transporte littéralement. Aboutissement de cinq années de travail il s’impose comme une sorte d’hymne spirituel aux sonorités des plus modernes, avec comme ultime prière le splendide Pause in His Presence.
FANTASTIC NEGRITO, White Jesus Black Problems (Storefront records) – 1.4 FAN
Voilà un album électrique à plus d’un titre ! Pour son 4e LP, Fantastic Negrito use de son histoire familiale pour dérouler une fable sociologique sur la condition noire en même temps qu’un grandiloquent hymne à l’amour. On est d’abord concentrés sur l’énergie et le groove qui se dégagent des 13 titres, conquis par leur musicalité baroque, emportés par cette chevauchée fantastique, du boogie au funk en passant par le blues ou le rock psychédélique. Mais on aurait tort de s’y arrêter et de ne pas prêter attention à la narration remarquable que l’artiste propose au travers de ses titres coups de poing (You don’t belong here, Venomous Dogma, You better have a gun…) et de ses paroles tour à tour incisives, romanesques ou tendres.
THEE SACRED SOULS, Thee Sacred Souls (Daptone) – 1.4 SAC
Thee Sacred Souls, c’est la rencontre de deux amoureux des classiques de la soul, le batteur Alex Garcia et le bassiste Sal Samano qui embarquent dans leur univers musical le chanteur originaire de Sacramento Josh Lane. Depuis 2019, le trio sème ici ou là quelques joyaux (Can I Call You Rose, Weak for Your Love), emmenés par la voix magnifique de Josh Lane. Tous rassemblés dans un album paru cette année chez Daptone, maison respectée, c’est une merveille soul des 60’s, très inspirée aussi par le rock chicano des Midniters. On n’a pas fini d’entendre parler de ces alchimistes qui soigneront à coup sûr tous vos tourments amoureux !
Kendrick LAMAR, Mr Morale & The Big Steppers (Top Dawg) – 1.5 LAM
Tel les meilleurs vins qui se bonifient avec l’âge, le nouveau Kendrick Lamar est à la hauteur des attentes qu’il a suscitées. C’est que Damn, récompensé du prix Pulitzer, remonte à 5 ans déjà. Désormais âgé de 35 ans et père de deux enfants, le roi du hip-hop confirme son statut d’indétrônable avec Mr. Morale & The Big Steppers. En mêlant comme personne l’intime à l’histoire collective des Noirs américains, Kendrick Lamar touche le cœur du monde entier. Quelques invités de marque viennent ainsi rappeler la qualité de l’hôte – parmi lesquelles Beth Gibbons, discrète et géniale chanteuse de Portishead sur Mother I Sober, de toute beauté. Vive le roi.




Pop – Rock – Folk
BIG THIEF, Dragon New Warm Mountain I Believe In You (4AD) – 2 BIG
Est-il possible de faire toujours mieux ? Que l’ambition créatrice ne rencontre aucune limite ? Big Thief font partie de ceux qui à chaque disque trouve la force de nous subjuguer toujours plus. Big Thief c’est l’innocence, l’énergie et l’honnêteté qui l’emporte sur l’esprit de sérieux et la gravité de ce monde. Dragon New Warm Mountain I Believe In You c’est 80 minutes d’une incroyable intensité émotionnelle servie par la voix et l’écriture uniques d’Adrienne Lenker et c’est à la fois un grand disque d’indie rock et un grand disque de country. Pas moyen de ressortir indemne de cette écoute.
BUILT TO SPILL, When The Wind Forgets Your Name (autoproduit) – 2 BUI
2022 est une année où le besoin de réconfort s’est fait impérieux et When The Wind… est un réconfort. Sa saveur nineties, son débordement émotionnel caractéristique de cette époque en fait un disque pansement, un disque où on se revoit adolescent pleurant dans sa chambre, la catharsis en étendard. Built To Spill n’a rien perdu de sa force mélodique en cette année qui voit célébrer leurs trente ans de carrière, fraîcheur intacte de leur indie rock taillé dans la dentelle.
Daniel ROSSEN, You Belong There (Warp) – 2 ROS
On connaissait Daniel Rossen comme guitariste de Grizzly Bear et Departments of Eagle, formations pop aussi estimables et classieuses qu’un chouïa hermétiques. Désormais retranché dans la campagne de Santa Fe, il livre avec You belong there un surprenant premier album solo, éclatant de beauté. Entièrement acoustique, Daniel Rossen prend ses distances avec la pop, compose des morceaux teintés de jazz, de musique classique, et de ce soupçon flamenco qui est pour beaucoup dans la tension et l’émotion qui parcourent l’ensemble du disque. On en frissonne encore.



SYNDROME 81, Prisons imaginaires (Destructure) – 2 SYN
2022 a vu se développer dans une acmé un engouement étonnant pour le punk français, façon 80’s. Surprenante convergence entre post-punk, punk hardcore à la Negative Approach, punk rock français pimenté de oï, les brestois de Syndrome 81 rafraîchissent le genre avec hargne et pugnacité dans une écriture coup de poing aussi actuelle qu’universelle.
TALL DWARFS, Unravelled : 1981-2002 (Merge records) – 2 TAL
Enfin !!!! Le duo néo-zélandais pionnier du rock lo-fi Tall Dwarfs, tombé dans les limbes de l’édition discographique, méritait d’être déterré avec une belle publication. C’est chose faite grâce à Merge Records. Compilation réunissant cinquante-six chansons, autant dire toutes les facettes de ce fabuleux groupe, Unravelled : 1981-2002 est l’occasion de découvrir l’innocente créativité d’un duo de copains ayant inventé un style « fait à la maison » inimitable. Un indispensable !
Nick WHEELDON’s Demon Hosts, Gift (Le Pop Club Records) – VINYLE 2 WHE
Le parisien d’origine anglaise Nick Wheeldon est parvenu à un sommet pop, nostalgique en même temps ressourçant, évoquant tour à tour John Lennon, Neil Young, Bob Dylan, Otis Redding et Daniel Johnston. Gift célèbre tout au long de ses trente-deux minutes tout ce qu’on a toujours aimé et ce qu’on aimera toujours dans la musique. C’est un disque unique et c’est tous les disques en même temps. Gift est bien un don, dans son humilité, son intimité, dans son désintéressement.



Musique classique et contemporaine
Raphaël PICHON et L’ENSEMBLE PYGMALION, J.S. BACH, Matthäus-Passion (Harmonia Mundi) – 3 BAC 45
Donné de nombreuses fois en concert, l’année 2022 a enfin vu naître la publication de Matthäus-Passion par Raphaël Pichon et l’ensemble Pygmalion. Comme c’est le cas pour de nombreuses parutions cette année, ce disque est un disque de consolation, Raphaël Pichon déclare dans l’entretien figurant dans le livret : « En cherchant à interpeller et à consoler la conscience humaine, Bach nous offre un véritable pansement pour l’âme, universel et atemporel ». Cette version ne surclassera sans doute pas le panthéon des interprétations déjà constitué de cette œuvre mais sa richesse, sa profondeur, sa clarté et sa spiritualité nous convainquent qu’elle n’est pas loin derrière.
QUATUOR HANSON, George CRUMB, Black Angels : Music for A Summer Evening (B Records) – 3 CRU 14.40
Quand les insectes électriques s’abattent sur la terre ! Comprendre, les hélicoptères américains sur le sol vietnamien… L’exceptionnel thrène Black Angels composé par l’américain George Crumb est ici interprété avec splendeur par le quatuor Hanson mettant en valeur avec justesse la puissance et l’originalité de cette musique. Vous découvrirez également un livret très riche sur le contexte de l’enregistrement de cette interprétation. Un disque qui donne des frissons d’effroi et de plaisir…


Musiques électroniques
Charlotte ADIGERY et Bolis PUPUL, Topical Dancer (DEEWEE) – 4 ADI
Un cours d’histoire décoloniale et de féminisme contemporain sur lequel on peut danser comme jamais ? C’est la prouesse réalisée par Charlotte Adigéry et Bolis Pupul qui confirment tout le bien qu’on pense d’eux avec Topical Dancer, paru chez Deewee, le label des frères Dewaele, aka Soulwax. Réussi de bout en bout, les 13 titres de l’album déploient une electro-pop savante et dansante, en faisant un sort au racisme et au sexisme, le tout servi par un sens de l’ironie jubilatoire. Voilà l’Université populaire qu’on veut !
BRAINWALTZERA, ITSAME (FILM) – 4 BRA
Second album du mystérieux Brainwaltzera, ITSAME figure parmi les bonnes surprises de l’année. Derrière ce pseudo imprononçable, se cacherait peut-être Richard D. James, alias Aphex Twin, qu’on pense bien reconnaître derrière certains titres (a star is bored). Dans ce disque remarquable qui mêle l’intelligence à l’émotion, on est d’entrée saisi par la beauté des nappes de synthés, la profondeur des compositions, une impression qui ne se dément jamais au long de l’écoute, qui vous plongera dans une nostalgie solaire fort agréable.
Kaitlyn Aurelia SMITH, Let’s Turn It Into Sound (Ghostly International) – 4 SMI
Pareil à nul autre, le travail de la compositrice, artiste et productrice Kaitlyn Aurelia Smith est toujours aussi fascinant. Dans Let’s Turn It Into Sound, son neuvième album, elle dessine au moyen de ses synthétiseurs modulaires un espace sonore de toute beauté dans lequel on s’aventure et se perd avec délice. Tout n’est plus que couleurs vives, formes mouvantes et inconnues, et boucles hallucinées. Une expérience sensorielle vertigineuse.



Musiques expérimentales et inclassables
HACKEDEPICCIOTTO, The Silver Threshold (Mute) – 7 HAC
Plutôt entre paysage sonore et drone music, notre coup de cœur ira à la nouvelle collaboration entre Alexander Hacke, bassiste d’Einstürzende Neubauten, et Danielle Picciotto, musicienne et réalisatrice. Complexe et minimaliste à la fois, Hackedepicciotto utilise de nombreuses techniques vocales (spoken word, chant de gorge) et un instrumentarium étrange, l’autoharpe, la vielle à roue et l’idiophone en tête. Télescopant les ambiances néo folk et néo-classique à un univers dark ambient ou indus, The Silver Threshold se révèle passionnant.
SUPER PARQUET, Couteau / Haute forme (Airfono) – 7 SUP
Le risque court parfois, d’être moins attentif à ce qu’on écoute, à force d’être pris dans un flux sonore ininterrompu. Et puis d’un coup, un air vient torpiller ce léger endormissement. C’est que Super Parquet vient sans crier gare de faire irruption dans votre playlist ! Fervents acteurs de la scène néo-trad, la formation originaire de Clermont-Ferrand propose une transe électrisante, irrésistible et galvanisante, à partir de ritournelles minimales mais complexes. Un son qui s’apprécie sans doute encore plus en live, pour danser à en faire trembler le parquet !


Chanson et variété francophone
ALEXIS HK, Bobo playground (L’autre distribution) – 8 ALE
Y’aura-t-il jamais un album de trop avec Alexis HK ? Certainement pas ce Bobo playground toujours aussi mordant et pétri d’autodérision décomplexée dans lequel l’artiste continue de manipuler les mots avec gourmandise pour notre plus grand plaisir. Tante écologiste, rappeur vieillissant et jaloux, Maman en mal de rencontres, aspirant chevalier plus court sur pattes qu’un double-poney et pis Donald Tump tant qu’à faire… tout le monde en prend pour son grade mais ça passe. Ça passera toujours avec cette voix chaude et chaleureuse qui peut aussi bien déborder d’une joie délicieuse que d’une mélancolie douce. Mention spéciale aussi à la meilleure reprise de Partenaire Particulier entendue depuis longtemps !
Bertrand BETSCH, J’ai horreur de l’amour (Microcultures) – 8 BET
Le chanteur toulousain Bertrand Betsch nous offre une nouvelle œuvre avec toujours cette lucidité poignante qui le caractérise dans J’ai horreur de l’amour. Depuis ses débuts en 1997 et, sans coup férir, son écriture excelle par sa profondeur et sa justesse ainsi que par le placement sonore des mots et son sens mélodique. Cette voix fragile qui fait tout le sel de l’artiste, ses arrangements minimalistes mais toujours recherchés sont intacts et interrogent une nouvelle fois nos cœurs et nos cerveaux. C’est une épreuve d’écouter Betsch mais c’est aussi une source d’apaisement. Juste, si vous aimez l’amour, préparez-vous à souffrir un peu…
Kalika, Latcho Drom (Cinq7) – 8 KAL
Kalika, jeune artiste issue des plateaux télé de la Nouvelle Star, s’est affirmée bien loin des propositions toutes faites des producteurs en poursuivant des études à l’école de musique de Nancy. Bien que ce premier EP s’inscrive dans l’air du temps, notamment dans ses arrangements influencés par la culture « hyperpop », Kalika se démarque d’une scène française assez largement dominée par les « bons sentiments », adoptant un ton irrévérencieux qui rend ces sept chansons irrésistibles. À la fois catchy, sensuel et touchant, Latcho Drom se love dans nos têtes et nous fait espérer de continuer de s’exclamer Olala avec elle sur ses futurs tubes.



Musiques du monde
Chiemi ERI, Chiemi Eri (Akuphone) – 9.46 ERI
Un étonnant vent pop sixties souffle sur cette compilation qui permet de (re)découvrir une des chanteuses les plus populaires dans le Japon du siècle dernier. En 16 morceaux tirés d’une courte période de sa carrière (1958-1962) tout y est : Min’yo traditionnel, latin-jazz, swing, folk japonais et plus encore. Tantôt cristalline et profondément touchante, tantôt espiègle et joyeuse, la voix de Chiemi Eri irradie ce magique album au goût de tous les ailleurs.
LALALAR, Bi Cinnete Bakar (Bongo Joe) – 9.33 LAL
Voilà un an, la formation stambouliote Lalalar retournait le public des TransMusicales, le festival toujours bien inspiré pour faire émerger les talents de demain. Depuis, Lalalar a sorti Bi Cinnete Bakar (« Tout ce qu’il faut, c’est de la folie »), un remarquable premier disque, dépoussiérant un certain folklore qui s’est emparé du rock turc. En teintant leur rock fiévreux d’une énergie très club-friendly, on est saisi d’une colère inarrêtable, de celle qui invite à renverser tous les tyrans.
PONGO, Sakidila (Virgin records) – 9.12 PON
Attention bombe de fraîcheur tout droit arrivée d’Angola ! Avec sa voix envoûtante et énergique qui laisse transparaître toute sa puissance féminine, Pongo ne recule ni devant le mélange des genres ni devant celui des langues. Kuduro, pop, afrobeats, zouk, reggaeton ou funk chantés en portugais, anglais, kimbundu et même une pointe de français, comme pour nous signifier qu’aucune barrière ne pourra jamais l’arrêter. On sort de cette écoute avec une furieuse envie de danser bien sûr mais aussi ragaillardi.e.s et prêt.e.s à regarder le monde droit dans les yeux.
TAXI KEBAB, Visions al 2ard (Real World X) – VINYLE 9.22 TAX
Taxi Kebab, duo nancéien réunissant la chanteuse et guitariste Léa Jiqqir et son complice aux machines et synthés Romain Henry. À la croisée des musiques répétitives, électroniques et psychédéliques, l’infusion musicale produite par le tandem invite à une magnifique transe qu’il se plaît à qualifier de « désorientale ». La voix électrisante et la guitare de Léa Jiqqir sont aussi pour beaucoup dans la réussite de ce disque, produit par Rubin Steiner.




Et aussi
Hugh COLTMAN, Night Trippin’ (Sony) – 1.1 COL
DOMi & JD BECK, No Tight (Blue Note) – 1.3 DOM
LIZZO, Special (Nice Life & Atlantic Records) – 1.4 LIZ
SUDAN ARCHIVES, Natural Brown Prom Queen (Stones Throw) – 1.4 SUD
Kae TEMPEST, The Line Is A Curve (Republic Records) – 1.5 TEM
Maxwell FARRINGTON & LE SUPERHOMARD, I had it all (L’Autre distribution) – 2 FAR
PERSHER, Man With the Magic Soap (Thrill Jockey) – 2 PER
TAHITI 80, Here With You (Big Wax) – 2 TAH
YARD ACT, The Overload (Island) – 2 YAR
PANORAM, Acrobatic Thoughts (Running Back) – VINYLE 4 PAN
Greg FOAT, Psychosynthesis (Blue Crystal) – VINYLE 5.24 FOA
V/A, Valley Of The Sun : Field Guide To Inner Harmony (Numero Group) – VINYLE 5.42 A
Richard THOMPSON, Grizzly Man (No Quarter) – 6.11 GRI
Arnaud REBOTINI, Occhiali Neri (PIAS) – 6.11 OCC
Ben SHEMIE, Desiderata (Joyful Noise) – 7 SHE
Adrien GALLO, Là où les saules ne pleurent pas (Warner) – 8 GAL
KOLINGA, Legacy (Underdog Records) – 9.14 KOL CONGO
LASS, Bumayé (Wagram) – 9.18 LAS SENEGAL
MONTPARNASSE MUSIQUE, Archeology (Real World) – 9.1 MON
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